Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/55

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là-bas ; ils ont l’air au spectacle, ma parole. Ils ne comprenaient pas encore d’où vient cet horrible, horrible, horrible drame. Je me suis peut-être un peu trop livré aux hors d’œuvre de fantaisie, et il en reste malgré ces coupures. Mais attendons la scène du jardin. — Tiens, Laërtes n’est pas là.

On se lève pour l’entr’acte. Le roi et la reine font cercle, les pages ayant repris les traînes de leurs manteaux, et promènent leur sourire affable et fatigué. On fait circuler des tranches de hareng et de petites cornes d’auroch où mousse la cervoise.

Dès la scène II de l’acte suivant et devant ce décor de tonnelle où le roi Gonzago commence à s’assoupir éventé par sa femme, Fengo au cœur lâche comprend ! et sans attendre l’entrée de Claudius, il s’affaisse évanoui. La reine se lève, droite, très Paul Delaroche ; on s’empresse avec tout un répertoire de mines et de chuchotements. Un coup de hallebarde du chambellan successeur de Polonius (heureux d’inaugurer ainsi ses fonctions) fait tirer le rideau sur l’horrible, horrible, horrible pièce.

Hamlet s’est dressé dans son coin, balbutiant :

— Musique ! Musique ! C’était donc vrai ! Et moi qui n’y croyais pas encore !... Enfin, ils sont assez punis comme ça, c’est mon avis. Moi je file ! Un jour de plus, et l’on m’empoisonnerait comme un rat, un sale rat !

Il se lance à travers des escaliers de services pleins de tintements de sonnettes et d’appels. Les coulisses sont désertées. Hamlet reprend d’abord son manuscrit abandonné, là, ouvert à l’endroit interrompu.