Page:Lagacé - Mon voyage autour du monde, 1921-22.djvu/22

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Mais que faisait Cadieux pendant ce temps ? Les Iroquois, ne trouvant aucune trace des familles, se refusaient à croire qu’elles eussent entrepris la descente des rapides ; aussi, pendant trois jours, donnèrent-ils, mais en vain, la chasse au brave Cadieux, et ils regagnèrent finalement leur pays. Après avoir erré à l’aventure dans les bois, le héros obscur, ayant épuisé ses munitions, se sentant assiégé par la faim, les soucis et les veilles, avait creusé sa fosse, planté une croix et composé sa propre épitaphe. Lorsque ceux-là que son héroïsme avait sauvés d’une mort humiliante revinrent sur leurs pas, dans l’espoir de le délivrer, ils aperçurent une petite croix de bois et une fosse à demi creusée, où gisait le cadavre du sacrifié, et sur lui quelques feuilles de bouleau soutenant un chant que l’on a appelé la complainte de Cadieux. Longtemps, les voyageurs, pleins d’admiration pour Cadieux, ont entretenu une copie de cette complainte ainsi écrite sur de l’écorce de bouleau et attachée à un arbre voisin de la tombe de leur héros de prédilection. Ils chantaient volontiers cette complainte :


Petit Rocher de la Haute Montagne,
Je viens finir ici cette campagne !
Ah ! doux échos, entendez mes soupirs,
En languissant, je vais bientôt mourir !

Petits oiseaux, vos douces harmonies,
Quand vous chantez, me rattach’nt à la vie :
Ah ! si j’avais des ailes comme vous,
Je s’rais heureux avant qu’il fût deux jours !

Seul en ces bois que j’ai eu de soucis.
Pensant toujours à mes si chers amis ;
Je demandais : hélas ! sont-ils noyés ?
Les Iroquois les auraient-ils tués ?