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Page:Laisant - L’Éducation de demain.djvu/22

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devenir incapable de l’effort soutenu qu’exige l’auto-éducation.

Quand on rentre au logis le soir après une journée d’extrême fatigue, quand on se dit qu’il faudra être debout le lendemain de bonne heure, on n’a guère le cœur à sortir pour aller entendre un cours, pour augmenter le champ de son activité intellectuelle. Le repos, le repos physique seul, s’impose impérieusement, et il faut un certain courage pour s’assujettir à une simple lecture ; pour travailler, pour méditer, il faut un véritable héroïsme dont bien peu sont capables.

Hâtons-nous d’ajouter que sur l’autre versant social, le tableau n’est pas plus brillant. Les dirigeants, les possédants, les pourvus, les satisfaits, arrivent à la vie avec toutes les idées fausses, toutes les erreurs, tous les préjugés qu’entraîne l’éducation classique, fortifiés par l’influence du milieu social où ils sont nés. L’égoïsme, l’ambition, la vanité, les frappe d’un irrémédiable aveuglement, et leur existence entière s’écoulera, pour la plupart d’entre eux, sans qu’ils soupçonnent même l’existence du monde qui les entoure, le jeu des forces qui animent ce monde. Beaucoup, parmi ces privilégiés, arrivent à perdre totalement le goût du travail, à ne poursuivre que les plaisirs les plus futiles ou la satisfaction des plus bas instincts ; d’autres consacrent entièrement l’énergie qui leur reste à écraser leurs concurrents pour arriver plus vite, à se perfectionner dans l’intrigue, dans la ruse, dans la perfidie. Graduellement ainsi, au lieu d’un perfectionnement, c’est à une dégradation morale que nous assistons dix-neuf fois sur vingt.

En fin de compte, l’auto-éducation qui devrait être presque tout, se réduit à peu près à rien. Les uns ne peuvent pas se la donner, les autres ne le veulent pas. Il n’est pas extraordinaire, dans ces conditions, que le progrès des esprits, s’accomplisse avec une lenteur désespérante, et que le monde actuel, malgré sa prétention comique à la civilisation, reste en moyenne à une période de sombre barbarie. Il n’y aurait aucune raison pour voir jamais une issue à cette situation absurde, si quelques êtres humains, faisant exception