Aller au contenu

Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/191

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

156
souvenirs

C’est en vain que les ménagères bien intentionnées mettent en œuvre les moyens les plus ingénieux pour détourner leurs chats de ces mauvaises compagnies. Plus d’une maîtresse de maison, après avoir pris la précaution d’enfermer son matou dans la huche au pain, a été bien surprise de ne l’y plus trouver, lorsqu’elle a voulu lui rendre la liberté. — Au reste, on prétend que les chats qui portent sur leur robe quelque trace de brûlure ne sont point admis aux assemblées nocturnes du mardi gras.

De toutes nos histoires de carroirs, la plus célèbre, la plus authentique, est sans contredit celle du Carroi-Billeron, dans le haut Berry. Malheureusement il ne s’agit point ici d’un récit imaginaire ; les acteurs de cette étrange tragédie ont existé, et plusieurs d’entre eux, victimes de leur superstition et surtout de celle de leurs juges, ont trouvé la mort sur le théâtre même de leurs folies.

Le Carroi-Billeron est situé sur le chemin de Brécy aux Aix. À l’époque dont nous parlons, il dépendait de la baronnie de Brécy qui, alors, appartenait aux seigneurs de Culan, qui se faisaient gloire, disait-on dans la contrée, de descendre du meurtrier de sainte Solange, la douce patronne de notre Berry ! Certes, c’en était bien assez pour que le Diable prît envie d’élire domicile sur les terres de ces mécréants et de prendre ses ébats sur le Carroi-Billeron. Avec cela qu’il avait toujours sur le cœur un assez bon tour que lui avait joué autrefois l’un des membres de cette famille, et dont certaine fresque du château de Brécy perpétuait le souvenir. — Dans cette peinture, un sire de Culan, que le Vilain avait aidé à se venger d’un Chabannes, son ennemi capital, tenait à la main un billet qu’il venait de signer avec son sang et le présentait au Diable. Par ce billet le souscripteur faisait à Satan l’abandon de son âme ; mais quand vint le jour de l’échéance, il se trouva que l’écrit était signé Chabannes et non Culan.