Aller au contenu

Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

158
souvenirs

prévenir de l’heure de ces réunions. Alors, ils faisaient leurs préparatifs de départ, et, après s’être frotté « le filet des reins » avec un onguent particulier ils sortaient de chez eux et s’élançaient en croupe derrière le Diable, qui les attendait à leur porte, monté sur un cheval noir, et qui les emportait aussitôt au sabbat. Là, sous la présidence de Satan, qui tantôt revêtait la forme d’un barbet noir, tantôt celle d’un homme noir, les assistants se livraient à toute sorte d’actions abominables et faisaient assaut de folies, d’impiétés et de libertinage. À un moment donné, hommes et femmes s’approchaient l’un après l’autre de leur digne président, et, tenant à la main un flambeau de poix noire, ils l’adoraient en lui donnant un baiser ailleurs qu’à la figure. Après cet immonde hommage, l’assemblée s’abandonnait à des danses effrénées. Puis, Satan, debout devant une table qui simulait un autel et que recouvrait un drap noir, parodiait le saint sacrifice de la messe. À la suite de cette horrible comédie, tout le monde s’asseyait à un banquet dont les mets, de couleur noire, avaient été préparés « sur un feu beaucoup plus rouge et plus ardent que le nostre. » Enfin, à ce repas succédaient des actes inouïs d’impureté et de débauche, qui duraient toute la nuit et n’étaient interrompus que par le chant matinal du coq. À ce signal, la bacchanale cessait tout à coup, et chaque sorcier reprenait en toute hâte le chemin de sa demeure

Le juge ayant demandé à des pauvres fous ce que leur rapportaient les soumissions et les complaisances qu’ils avaient pour le Diable, ils répondirent qu’il leur promettait sans cesse des trésors, mais qu’ils n’en recevaient jamais rien, si ce n’est quelques recettes pour ensorceler les gens et faire périr le bétail, et ils indiquèrent que, dans l’une de ces recettes il entrait de la poudre à canon, de la pelasse (brou) de noix et des feuilles d’aune cueillies la veille de la Saint-Jean et bénites par un prêtre.