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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/194

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du vieux temps

« Voilà, dit M. Raynal[1], à qui nous empruntons la plupart de ces détails, quelles déclarations tirent ces malheureux, au péril de leur vie. Qu’ils fussent victimes d’affreuses hallucinations ou des ruses cruelles d’un libertinage bien difficile à comprendre, ils n’en parlent pas moins avec une effrayante sincérité. »

Néanmoins, tous ne se montrèrent pas disposés à faire des aveux aussi explicites ; quelques-uns même se retranchèrent dans un silence absolu. Une femme de la Grange-de-Forges, entre autres, Jaquette Sadon, femme Perrin, n’ouvrit la bouche que pour proférer des menaces contre le bailli Jean Chenu : — « Vous ne devez pas faire ce que vous faites, s’écriait-elle : vous avez du bien, vous avez à perdre. Vous ne jugerez jamais femme qu’il ne vous en souvienne. Prenez hardiment votre chemise blanche ; si je meurs, vous ne demeurerez guère après moi ; j’ai de bons amis ! » — Le courageux bailli répondait que Dieu maintenait les juges en sa protection, même contre la puissance du Diable[2].

« On est touché, dit M. Raynal, dont nous allons reproduire textuellement les paroles en terminant ce récit, on est touché des réponses d’un vieux berger, Guillaume Légeret, dit Nointeau, qui avoue qu’il est allé au sabbat, mais qui ne cesse d’intercéder pour trois de ses amis, disant qu’il aime mieux mourir qu’eux.

» Le 21 mars 1616, le bailli prononça la sentence de trois des accusés, un homme et deux femmes. Ils furent condamnés à faire amende honorable devant l’église de Brécy, nus en chemise, une torche ardente au poing, puis à être pendus et étranglés ; leurs corps devaient être brûlés « avec le procès, pour les blasphèmes et impiétés y contenues », et les cendres jetées au vent. En outre, il était prescrit de planter une

  1. Histoire du Berry, t. IV, p. 300 et suiv.
  2. M. Raynal, Hist. du Berry, t. IV, p. 302.