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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/195

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souvenirs

grande croix au Carroi-Billeron, où l’exécution devait avoir lieu. — Confirmée le 17 mai par le Parlement de Paris, la sentence fut exécutée le 30 du même mois. De l’une des deux femmes on ne put obtenir que ces paroles : « Je voudrais être morte ; dépêchez-moi ! »

» Six autres accusés furent condamnés à être pendus le 11 juillet ; trois enfin devaient être soumis à la question ordinaire et extraordinaire. Mais le Parlement de Paris confirma seulement la sentence du vieux berger, qu’il fit exécuter en place de Grève, au lieu de le renvoyer en Berry, trouvant sans doute que le pays avait été effrayé par assez de supplices. Tous les autres furent bannis du bailliage de Brécy et de la ville de Paris : « le chemin leur fut baillé pour prison. » — Malgré son respect pour le Parlement, Jean Chenu a bien de la peine à s’expliquer une pareille indulgence[1]. »

Ce procès des sorciers du Carroi-Billeron nous démontre, ainsi que tous les procès du même genre, que les sorciers formaient alors, sur tous les points de la France, des espèces d’associations dont les membres se recrutaient les uns par les autres. Tous, hommes et femmes, étaient probablement le jouet de quelque habile débauché, qui cherchait dans les orgies du sabbat à satisfaire d’immondes appétits, et qui, connaissant l’action stupéfiante ou surexcitante de certains végétaux[2], en composait des breuvages et des onguents qu’il distribuait à ses adeptes, et au moyen desquels il parvenait

  1. M. Raynal, Hist. du Berry, t. IV, p. 303 ; — Questions de droit, par Jean Chenu.
  2. Tels que plusieurs solanées : la belladone, la pomme épineuse, etc. La décoction de cette dernière plante occasionne les plus violents transports, « fait danser à mort, subir mille hontes, dont on n’a ni conscience, ni souvenir. Un jour, des voleurs en firent prendre au bourreau d’Aix et à sa femme, qu’ils voulaient dépouiller de leur argent ; ces deux personnes entrèrent dans un si étrange délire, que pendant toute une nuit ils dansèrent tout nus dans un cimetière. » (Michelet, la Sorcière.) — Voy. Pouchet, Solanées et Botanique générale ; — Nysten, Dictionn. de médecine, article Datura.