Aller au contenu

Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

161
du vieux temps

à jeter le trouble et la folie dans l’esprit de ces pauvres ignorants et à produire chez eux l’exaltation et le délire de toutes les passions.

Ce qui s’explique plus difficilement que ces étranges hallucinations, c’est la sécurité avec laquelle s’assemblaient en pleine campagne, et toujours aux mêmes lieux, connus de tout le monde, les sorciers et sorcières d’un canton ; car il n’est point d’exemple qu’aucune de ces nombreuses et bruyantes saturnales ait été troublée par la police de l’époque. On doit croire que la sorcellerie inspirait alors une telle frayeur, qu’aucune puissance humaine n’osait s’attaquer à plusieurs sorciers réunis. En effet, lorsque l’on procédait à l’arrestation de l’une de leurs bandes, c’était toujours un par un, et à domicile, qu’on les arrêtait.

Ces nocturnes réunions atteignirent en certaines provinces un chiffre vraiment incroyable. Il y eut dans les pays basques, au commencement du dix-septième siècle, des assemblées sabbatiques de douze mille âmes ! où l’on comptait des personnes de toute condition, des riches, des pauvres, des prêtres, des gentilshommes, etc. (Voy. de Lancre.) — Au reste, ces sortes d’épidémies morales ont sévi dans tous les temps, de loin en loin, sur nos pauvres cerveaux. Le progrès des lumières ne semble pas devoir nous en préserver ; le spectacle que nous donnent en ce moment les spirites ou spiritistes, ne le prouve que trop.

Chacun de nos nombreux carroirs avait autrefois sa légende, et c’était ordinairement le tissier (tisserand), ou le chanvreur[1] du village, qui possédait le répertoire le plus complet de ces mille petits drames, et qui s’entendait le mieux à en exposer tous les saisissants détails. Mais il n’y a plus guère que les anciens de nos tailleurs de nos campagnes qui connaissent et récitent encore quelques-unes de ces bizarres épopées.

  1. Ouvrier qui peigne ou carde le chanvre.