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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/213

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souvenirs

Les formes variées sous lesquelles la Levrette est susceptible d’apparaître ont nécessairement donné lieu à plus d’un quiproquo ; nous en citerons un exemple :

Un braconnier du village des Baudins, commune de Lacs, était, un soir, à l’affût aux abords d’un petit bois voisin de son hameau, lorsqu’une bête blanche sort du taillis, s’arrête et se prend à le considérer. Le paysan ne met pas un instant en doute que ce ne soit la Levrette ; aussi détale-t-il à grand’erre. Sa frayeur est telle que l’idée ne lui vient même pas de faire usage de son fusil et qu’il n’ose jeter un coup d’œil en courant par-dessus son épaule, pour voir s’il est poursuivi. Enfin, il arrive, haletant, à l’entrée du village, pousse la porte-coupée[1] de la première maison qu’il rencontre, entre, ferme seulement le vantail du bas, et se jugeant en sûreté, regarde résolument derrière lui.

La Levrette est là !… à vingt pas à peine… et avance toujours !…

Le braconnier n’hésite plus et fait feu sur la bête… La bête tombe…

Cependant, le maître et la maîtresse de la maison dans laquelle il se trouve, réveillés en sursaut par le coup de fusil, sautent à bas de leur couche, et s’informent, pleins d’épouvante, de quoi il s’agit. — On se reconnaît, on s’explique ; puis il est question d’aller tous ensemble à la découverte du diabolique gibier. Dieu sait avec quelles précautions, avec quel émoi, ou procède à cette exploration ! Ce n’est que munis d’eau bénite et en prodiguant les signes de croix, qu’ils osent, tous les trois, s’acheminer vers la place où gît la bête.

— Ah ! le malheureux ! s’écrie tout à coup la femme, il a tué ma chèvre !…

  1. Porte à deux vantaux superposés dont le plus élevé sert de fenêtre lorsqu’il est ouvert.