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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/215

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souvenirs

Sologne. — « Il y a quelques années, dit M. Raynal[1], on racontait tout bas dans les campagnes qu’une femme d’un hameau voisin de Bourges, la Birette, avait eu la cuisse cassée d’un coup de fusil, pendant qu’elle courait les champs, la nuit, sous la forme d’une bête toute blanche, d’une espèce inconnue. »

En somme, toutes ces dénominations semblent désigner, chez nous, ce que partout ailleurs, en France, on appelle le Loup-garou.

Cependant, au dire de quelques-uns, il paraîtrait que la Grand’Bête ne serait qu’une sorte d’apparition fantastique, une figure, une image vaine et trompeuse, sortant on ne sait d’où, envoyée on ne sait par qui. Les plus résolus, parmi ceux qui l’ont rencontrée, après l’avoir poursuivie quelque temps et l’avoir approchée d’assez près, l’ont vue grandir rapidement et prendre des dimensions telles qu’elle finissait toujours par se perdre dans le temps, c’est-à-dire par s’évanouir dans l’atmosphère. — Sous ce rapport, notre Grand’Bête serait de la même famille que le Buguel-noz et la Biche blanche de sainte Nennoch, si célèbres chez les Bretons. « La Biche blanche de sainte Nennoch court la Bretagne à la tombée du jour, et c’est en vain que les chiens lui montrent les dents, que les chasseurs lui lancent des balles… Les mariés qui l’aperçoivent le jour de leurs noces sont sûrs de mourir dans la nuit… — Le Buguel-noz grandit dans l’ombre à mesure qu’on l’approche[2]… »

On ne cite aucun méfait matériel commis par la Grand’Bête ; seulement, on affirme que son apparition présage, à coup sûr, quelque catastrophe, telle que le dépérissement des biens de la terre, la mortalité du bétail et même celle des chrétiens[3].

  1. Histoire du Berry, t. IV, p. 304.
  2. Pitre-Chevalier, Voyage en Bretagne.
  3. Voy. plus loin, liv. V, chap. ii : Locutions locales.