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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/221

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souvenirs

mainte fois certifié et qu’il avait toujours eu de la peine à croire : c’est à savoir que, même avec des balles bénites, on est sans pouvoir contre les Loups-Brous, tant qu’ils sont sous notre dépendance.

Le baron rentra chez lui de plus en plus perplexe, car à ces diaboliques habitudes près, son métayer était un excellent cultivateur, très-actif, fort soigneux du bétail, ainsi que tout son monde ; mais on ne pouvait, en conscience, garder de pareilles gens à son service. D’ailleurs, la dame du château, depuis l’apparition de la louve, tombait en pâmoison toutes les fois qu’elle entrevoyait la jeune fille du colon.

Le métayer Loup-Brou fut donc mandé au château, et on lui signifia son congé. Il chercha bien à faire valoir son habileté comme agriculteur, le bon état de la ferme, son produit considérable depuis qu’il la régissait ; rien de tout cela ne lui fut contesté, mais on lui répondit que l’on n’aimait pas les gens qui, la nuit, couraient les champs, déguisés d’une certaine façon.

Le métayer n’en demanda pas davantage et se retira visiblement contrarié.

Quinze jours après, le Loup-Brou s’installait avec sa famille à la tête d’une métairie des environs, qui dépendait d’une riche abbaye ; quinze jours après, le bétail des nombreux domaines qui composaient la terre du baron était, chaque nuit, régulièrement chassé des pâturages et dispersé dans la campagne, et, quand venait le jour, les boirons[1] avaient toute la peine du monde à retrouver et rassembler leurs aumailles ; souvent même la plupart de ces pauvres bêtes ne rentraient à la ferme que tout éclopées.

Là vengeance du métayer évincé était évidente. Son ancien maître ne fit part à personne de ses convictions à cet

  1. Bouviers. — Voy. p. 17.