L’acte religieux, c’est l’adoration intéressée ou désintéressée comportant des degrés ; l’acte moral c’est l’obéissance complète à la règle invariable du bien, à la conscience. Ainsi qu’on l’a vu par mille exemples dans l’antiquité et qu’on le voit encore aujourd’hui, le sentiment qui a pour objet le divin et le sens moral, bien qu’ils se trouvent réunis dans toutes les religions des civilisations avancées, sont deux sens distincts, et souvent le développement de l’un ne correspond pas à celui de l’autre, soit chez les individus, soit dans les peuples. Ainsi, on voit des hommes très moraux avoir peu ou point de piété et des personnes sincèrement pieuses commettre beaucoup de fautes contre la morale par faiblesse ou légèreté. Les Hindous sont pieux jusqu’à la superstition et peu moraux. Les Chinois se vantent à la fois de leur moralité et de leur scepticisme. La probité est rare en Orient et même chez les grecs et les slaves, bien qu’ils soient dévots. Dans le midi de l’Europe, la dévotion est plus forte que la moralité ; dans le Nord c’est l’inverse. Nous venons d’employer à dessein le mot dévotion et non religion, afin de conserver à ce dernier mot son sens primitif plus général ce qui lie (religio, religare). On disait et on dit encore la religion du serment (religio jusjurandi), la religion de l’honneur ; une religion se conçoit avec plus ou moins de dévotion, plus ou moins de morale. Les religions de Confucius et de Bouddha sont exclusivement morales, celles des sectes actuelles de l’Inde exclusivement dévotes.
Les premiers peuples n’ont d’abord conçu la vie future que comme un prolongement indéterminé de la vie actuelle ;