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Gautama reste à Kapilawot près du roi son père comme prince héritier jusqu’à l’âge de 25 ans qui dans l’Inde est celui de la première maturité. Dans cette situation, il possède, outre les moyens d’étude dont il paraît avoir très largement profité, toutes les facilités d’acquérir la connaissance et le maniement des hommes. C’est à cette préparation sans doute, qu’il faut attribuer l’esprit de convenance, de mesure et de conciliation, l’esprit éminemment pratique, qui préside à tous les actes de sa vie et domine dans tous ses préceptes notamment dans la règle qu’il a tracée pour le corps religieux. Cet esprit d’accommodement aux circonstances est tel que les Chinois ont pu le confondre avec l’attachement au juste milieu, qui forme le système de leurs législateurs philosophes.

Depuis Kapila, les ascètes, les religieux mendiants et des écoles théosophiques en assez grand nombre, se substituaient peu à peu aux Brahmes dans la direction religieuse de tout ce qui n’était pas livré à la plus basse superstition. Bouddha devait, avant tout, les réunir et en former un corps de religieux destiné d’abord à supplanter les brahmes, premier résultat tout politique, et ensuite à détacher son institution religieuse des liens politiques et sociaux. Pour obtenir ce dernier résultat qui était l’essentiel et l’universel, il lui suffisait de prescrire que ses religieux, limités en tout au strict nécessaire, ne vivraient que d’aumônes faites par les simples fidèles pour acquérir des mérites.

Ce dessein obligeait Gautama à être d’abord ascète. Il quitte donc son père et prend la patta ou écuelle du religieux mendiant et le nom de Çakia Mouni, l’ascète Çakia (Kchattria). Il étudie et même professe sous les maîtres les plus fameux de ce temps, et fait dans la solitude d’Orouwela une retraite fameuse par la rigueur des austérités qu’il s’impose. En même temps il achève l’élaboration de sa Loi.

Cette loi, c’est le brahmanisme épuré par Kapila de ses plus funestes erreurs psychologiques et par Gautama lui-même de toutes les injustices que consacre Manou ; c’est l’homme éternisé dans son individualité par le Nirvana et placé au centre de l’universalité des êtres qui rayonnent de lui ou convergent vers lui ; c’est la suprématie de la raison par la supériorité attribuée aux œuvres mentales