Page:Lamarck - Discours (1806).djvu/10

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais comme je vous l’ai dit tout à l’heure, l’expérience nous apprend tous les jours qu’à mesure que les naturalistes qui voyagent recueillent de nouveaux objets et augmentent nos collections, très-souvent parmi ces nouveaux objets recueillis, il s’en trouve dont les caractères singuliers mi-partis entre telle de nos divisions et telle autre, nous forcent de modifier nos classifications.

Par cette cause qui se renouvelle continuellement, nous sommes obligés de changer et de multiplier sans cesse nos genres, nos ordres et même nos classes ; et nous nous trouvons dans la nécessité de nous abaisser graduellement à l’emploi de caractères compliqués et de plus en plus minutieux ou difficiles à saisir, afin de tracer par-tout des lignes de séparation dont nous ne pouvons cesser d’avoir besoin.

Il n’est pas un de vous qui, ayant acquis la moindre connoissance de nos genera et de nos species, n’ait été frappé lui-même du défaut toujours croissant que je viens de vous citer.

Il y a encore tant de productions naturelles dont nous n’avons pas connoissance, tant de pays qui n’ont pas été visités ou dont on n’a qu’effleuré l’observation des objets qu’ils renferment, tant d’obstacles qui s’opposent à ce que nous puissions recueillir tout ce que la nature produit sans cesse dans tous les points de la surface de notre globe, et dans la vaste étendue des mers, que nous ne pourrons jamais nous flatter de completter nos collections.

Qui ne voit clairement d’après ces considérations que nos ordres, nos familles et nos genres les plus naturels, ne sont que des portions de l’ordre même de la nature, c’est-à-dire ne sont que des portions de la série de ses productions, soit dans le règne animal, soit dans celui des végétaux ; et que ces portions de série ne se trouvent isolées et susceptibles d’être circonscrites par des caractères, que parce que nous ne possédons pas une multitude de corps naturels dont une partie peut-être n’existe plus, tandis que l’autre existe encore, mais qui annuleroient les limites de nos divisions, si nous les connoissions tous.

Depuis que dans nos assemblages et dans nos divisions des corps naturels, nous sentons la nécessité d’avoir égard à la considération des rapports, soit en rapprochant les objets connus, soit en plaçant les groupes que nous en avons formés, qui ne voit que dans la distribution générale des corps vivans d’un règne, nous ne sommes plus les maîtres de disposer la série comme il nous plait, qu’il n’y a plus