forcent d’autres d’être placées loin de celles-ci ; il faut déterminer pour toutes ces familles quelle est la place qui convient à chacune d’elles dans la distribution générale qui a pour objet de représenter l’ordre même de la nature. Enfin, il faut figer par des considérations non arbitraires quels sont les principes qui doivent nous guider dans ces différentes déterminations ; car tout ici doit être évident et forcé, et les principes admis d’après l’observation suffisamment consultée, ne doivent pas être susceptibles de laisser le moindre doute raisonnable sur leur fondement.
Voilà la vraie philosophie de l’histoire naturelle, et l’on sait que toute science a, ou doit avoir, sa philosophie. L’on sait encore qu’une science ne fait de progrès réels que par sa philosophie. En vain les naturalistes consumeront-ils leur temps et leurs forces à décrire de nouvelles espèces, à instituer diversement des genres, en un mot, à se charger la mémoire d’une multitude infinie de caractères et de noms différens ; si la philosophie de la science est négligée, ses progrès sont sans réalité, et l’ouvrage entier reste imparfait.
Ainsi, pour procéder avec ordre dans un genre de recherches qui doit faire le principal objet de l’attention du naturaliste, examinons d’abord ce que c’est que ces espèces de familles, qui, dans chacun des deux règnes des corps vivans, semblent la plupart détachées les unes des autres, et que l’on peut encore circonscrire par des caractères qui leur sont propres. À cet égard, voici la considération qui se présente naturellement, et à laquelle on ne peut se refuser d’adhérer.
Si dans un lieu isolé ou dans un édifice quelconque, nous possédions une collection complète des productions de la nature, de manière que toute espèce de corps naturel y fût réellement placé, et si cette collection rangée d’après l’ordre des rapports, nous présentoit de distance en distance des vides ou des hiatus distincts et déterminables; sans doute nous serions alors fondés à croire que la nature a partagé ses productions en groupes divers, auxquels nous pourrions à notre gré donner les noms de classes, d’ordres, de familles et de genres, selon l’étendue et la dépendance de chacun de ces groupes.
À la vérité, dans l’état où sont encore nos collections, quelque riches qu’elles soient déjà, il nous est possible en rapprochant les objets d’après leurs véritables rapports, de former différentes sortes de groupes ou d’assemblages très-naturels et cependant distincts les uns des autres. De-là les classes, les ordres, les familles et les genres que nous avons établis parmi les animaux et les végétaux.