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En tête du cortège, au milieu du conseil de la commune, le maire portait une bannière avec l’inscription décrétée : « Le peuple français reconnaît l’Être suprême et l’immortalité de l’âme. » Venaient ensuite des groupes de cultivateurs, de marins, de membres de la Société populaire, de soldats et de vétérans, tous portant sur des brancards des emblèmes de leurs professions et entourés de jeunes enfants chargés de jeter des fleurs sur le passage du cortège. Au temple de la Raison, devenu celui de l’Être suprême, le maire, servant de prêtre, « monta en chaire et fit un discours dans lequel il peignit la grandeur de l’Être suprême et sa toute-puissance dans les merveilles de la nature. » Le cortège défila ensuite et se rendit à la Montagne (aujourd’hui rond-point des promenades). Partout on n’entendait que des hymnes et des invocations à l’Éternel. L’après-midi, le public fut invité à se réunir dans la vallée des Eaux, « pour y terminer la fête par des danses, et les enfants, par des jeux innocents ». Voilà tout ce que la religion laïque sut donner d’aliment à l’intelligence et au cœur du peuple.

Et pendant qu’on s’égayait ainsi, l’échafaud était en permanence sur la place de l’Égalité. Quelques jours avant la chute de Robespierre, un accusateur public osa requérir et des juges osèrent signer un arrêt de mort qui fut exécuté, le 16 juillet, contre une pauvre religieuse, Jeanne Nouel de La Ville-Hulin, ex-noble, surprise le soir, dans une maison, à Pordic, et convaincue, d’après le texte de la sentence, d’avoir « tenu des propos tendans au rétablissement de la royauté, en disant que s’il n’aurait fallu que perdre sa vie pour son roi, il existeroit encore. » (Jugement du tribunal criminel du 28 messidor an ii).

Quand Robespierre eut enfin reçu, le 10 thermidor, le châtiment de ses crimes, la Société régénérée des sans-culottes, d’accord cette fois avec le conseil de la commune, s’empressa de recourir à la plume d’un citoyen modéré et de faire une adresse à la Convention pour célébrer « l’acte éclatant de justice par lequel vous avez, disait-elle, fait tomber la tête du tyran moderne et de ses complices. » La