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de l’égoïsme. Réunissons-nous pour propager les maximes qui tiennent intimement à la perpétuation de l’ordre social ; formons un concert républicain pour célébrer les douceurs de l’union conjugale ; crayonnons-les en traits de feu et que ce jour marque dans les fastes de la population de la France. Salut et fraternité. »

Pour répondre aux instructions officielles, la mission de célébrer les douceurs de l’âge d’or et les charmes du mariage fut confiée au père de la plus nombreuse famille de la commune. Il parla longuement et avec emphase, suivant le goût du jour, mais il ne séduisit personne. Ce patriarche n’était autre, en effet, que l’ancien orateur de la municipalité de 1792, que l’accusateur public près le tribunal criminel de 1793 et de 1794.

La fête de l’agriculture se rapprocha davantage du genre antique. Un brancard orné d’instruments aratoires et un trophée des productions de la récolte en gerbes de blé y furent portés par deux agriculteurs, escortés par quatre grenadiers. Toutefois dans les discours on ne put s’empêcher de forcer partout la note. On fit de ces braves agriculteurs « de vénérables pères nourriciers vivant dans l’espérance de se consacrer entièrement à l’agriculture ». Le président de l’administration départementale, après avoir rappelé que le savant Duhamel du Monceau les avait proclamés, sous la monarchie, les meilleurs cultivateurs de l’Europe, leur adressa cette apostrophe étonnante : « Agriculteurs briochins, vous devez ce témoignage flatteur à votre économie rurale : oui, vous êtes les plus utiles des hommes, et que manque-t-il à votre bonheur ? De le sentir et d’en jouir. »

Les laboureurs, disons mieux, les habitants de Saint-Brieuc pouvaient-il, réellement jouir de leur bonheur ?

On avait beau multiplier les fêtes et lire les bulletins des victoires d’Italie, auxquelles participait, sous les ordres de Bonaparte, l’ancien 3e bataillon des Côtes-du-Nord, la municipalité de Saint-Brieuc ne pouvait faire illusion sur la situation financière de la ville. En préparant le budget de l’an vii, elle constata 4,793 fr. 45 de dettes et fut