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vn profond désert, qui n’auoit pour tous bastiments que des bois, des rochers, des montagnes et des vallées : bref vne vaste forest : et pour hostes, vne infinité de bestes sauuages de diuerses espèces. Il regarde et considère attentiuement ce sejour et ce climat, il trouve l’aër fort tempéré, doux et salubre, la situation agréable : il void ce terroir arrousé de plusieurs belles fontaines, entouré de deux gentilles riuieres, anciennement dictes le Trieu et Arguenon, et maintenant Gouët et Goidy, vn beau port appelé iadis le port de Cesson, auiourd’huy le haure du Légué : les vallées d’alentour enrichies de belles prairies : il iuge ce lieu deuoir estre fertile, et regrette que l’industrie et le bon-heur de quelques habitans n’a eu soin de le cultiuer. »[1].

À part la fantaisie géographique qui a fait du Trieux et de l’Arguenon les anciens noms du Gouët et du Gouédic, cette description ne convient-elle pas, en beaucoup de points, à la délicieuse vallée que couronnent les collines ombragées du Bois-Boissel ?

Dans ce lieu habitait un Breton insulaire, Rigwal, qui, fuyant devant les Saxons, s’était établi depuis peu avec son clan sur la côte armoricaine. Ainsi se faisait la double invasion de l’Armorique par les Bretons : moines et guerriers s’y donnaient rendez-vous et y étaient accueillis non comme des conquérants mais comme des frères, car les deux peuples étaient également les descendants des vieux Celtes.

Ce fait de l’émigration pacifique des Bretons en Armorique était accepté, dés le xvie siècle, par d’Argentré : « Du mesme temps, dit-il, estoit l’isle d’Angleterre, dite Grande-Bretaigne, trauaillee d’Anglois et de Saxons qui y faisoient incessamment la guerre et finalement l’occuperent et saisirent : occasion qui contraignit tous les habitans presque de fuir le pais et se sauuerent, qui çà, qui là, comme ils peurent aux prouinces estrangeres, bonne part se retira en Gales, audict pais entre les montagnes, les autres se saunèrent en Bretaigne, où ils estoient lors

  1. Vie de saint Brieuc, par La Devison, ch. xvi.