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Les projets de Mauclerc étant connus, ainsi que son caractère et celui de Guillaume, il n’est pas étonnant qu’une lutte ait éclaté entre eux, dès que le duc eut rendu des ordonnances pour dépouiller le clergé de ses biens et privilèges. Après avoir essayé inutilement des remontrances, l’évêque, comme un autre Grégoire VII, excommunia le duc. La ville de Saint-Brieuc fut alors durement traitée. Des commissaires y vinrent pour exécuter les décrets ; mais Guillaume, quoique menacé de mort, arracha plus d’une fois de leurs mains ses prêtres et ses serviteurs, quand on les conduisait en prison. Pour épargner aux siens de plus grands malheurs, il consentit à s’exiler.

L’historien d’Argentré, qui était de l’école des juristes du xvie siècle, a dit à ce sujet : « Du temps du duc Pierre Mauclerc, vescut Guillaume Pichon, evesque, homme de grande religion, lequel fut chassé par ses subjets, en une sédition populaire et contraint de se retirer et estre longtemps absent de son diocèse, ou par après il retourna et mourut, depuis canonisé. »[1].

Outre que les chartes du temps ne mentionnent pas cette sédition populaire, si extraordinaire au xiiie siècle contre un évêque et, à plus forte raison, contre un évêque aussi vénéré et aussi aimé que Guillaume, on ne comprend pas, même en admettant le fait, que l’évêque ait quitté son diocèse, et de plus la Bretagne, s’il n’était poursuivi par le duc Pierre Mauclerc.

Le récit de l’ancienne Chronique nous parait plus vraisemblable : « Voilà qu’à la suite de la grande persécution qui sévissait par la méchanceté des tyrans dans l’église de Bretagne, le bienheureux Guillaume, virilement enflammé du zèle de la justice, faisait tous ses efforts pour résister à la cruauté de ces tyrans. C’est pourquoi il fut accablé de grandes injustices par les tyrans eux-mêmes et leurs complices. Néanmoins il s’y opposait comme un mur, autant qu’il le pouvait, pour la maison du Seigneur. Refusant donc d’acquiescer à la volonté des Princes, au

  1. Histoire de Bretaigne, f. 64.