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MÉDITATIONS
COMMENTAIRE


DE LA VINGT-DEUXIÈME MÉDITATION




Je ne connaissais M. de Bonald que de nom : je n’avais rien lu de lui. On en parlait à Chambéry, où j’étais alors connu d’un sage proscrit de sa patrie par la révolution, et conduisant ses petits-enfants par la main sur les grandes routes de l’Allemagne. Cette image d’un Solon moderne m’avait frappé ; de plus, j’avais un culte idéal et passionné pour une jeune femme dont j’ai parlé dans Raphaël, et qui était amie de M. de Bonald. En sortant de chez elle un soir d’été, je gravis, au clair de lune, les pentes boisées des montagnes qui s’élèvent derrière la jolie petite ville d’Aix en Savoie, et j’écrivis au crayon les strophes qu’on vient de lire. Peu m’importait que M. de Bonald connût ou non ces vers : ma récompense était dans le sourire que j’obtiendrais, le lendemain, de mon idole. Mon inspiration n’était pas la politique, mais l’amour. Je lus, en effet, cette ode le lendemain à l’amie de ce grand écrivain. Elle ne me soupçonnait pas capable d’un tel coup d’aile : elle vit bien que j’avais été soutenu par un autre enthousiasme que par l’enthousiasme d’une métaphysique inconnue. Elle m’en sut gré, elle fut fière de moi ; elle envoya ces vers