Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 1.djvu/285

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
283
POÉTIQUES.

Il dit, l’homme naquit ; à ce dernier ouvrage,
Le Verbe créateur s’arrête et s’applaudit.




Mais ce n’est plus un Dieu ; — c’est l’homme qui soupire :
Éden a fui… voilà le travail et la mort.

Dans les larmes sa voix expire ;

La corde du bonheur se brise sur sa lyre,
Et Job en tire un son triste comme le sort.

Ah ! périsse à jamais le jour qui m’a vu naître !
Ah ! périsse à jamais la nuit qui m’a conçu,

Et le sein qui m’a donné l’être,
Et les genoux qui m’ont reçu !

Que du nombre des jours Dieu pour jamais l’efface !
Que, toujours obscurci des ombres du trépas,
Ce jour parmi les jours ne trouve plus sa place !

Qu’il soit comme s’il n’était pas !


Maintenant dans l’oubli je dormirais encore,

Et j’achèverais mon sommeil

Dans cette longue nuit qui n’aura point d’aurore,
Avec ces conquérants que la terre dévore,
Avec le fruit conçu qui meurt avant d’éclore,

Et qui n’a pas vu le soleil.

Mes jours déclinent comme l’ombre ;
Je voudrais les précipiter.
Ô mon Dieu, retranchez le nombre
Des soleils que je dois compter !
L’aspect de ma longue infortune
Éloigne, repousse, importune