Sapho, les yeux en pleurs, errante, échevelée,
Frappant de vains sanglots la rive désolée,
Brûlant encor pour lui, lui pardonnant son sort,
Et dressant lentement les apprêts de sa mort ;
Sans doute à cet aspect, touché de mon supplice,
Il se repentirait de sa longue injustice,
Sans doute par mes pleurs se laissant désarmer,
Il dirait à Sapho : « Vis encor pour aimer ! »
Qu’ai-je dit ? Loin de moi, quelque remords peut-être,
À défaut de l’amour, dans son cœur a pu naître ;
Peut-être dans sa fuite, averti par les dieux,
Il frissonne, il s’arrête, il revient vers ces lieux ;
Il revient m’arrêter sur les bords de l’abîme ;
Il revient !… il m’appelle… il sauve sa victime !…
Oh ! qu’entends-je ?… Écoutez… Du côté de Lesbos
Une clameur lointaine a frappé les échos !
J’ai reconnu l’accent de cette voix si chère,
J’ai vu sur le chemin s’élever la poussière !
Ô vierges, regardez ! Ne le voyez-vous pas
Descendre la colline et me tendre les bras ?
Mais non ! tout est muet dans la nature entière,
Un silence de mort règne au loin sur la terre ;
Le chemin est désert !… Je n’entends que les flots !
Pleurez, pleurez ma honte, ô filles de Lesbos !
Mais déjà, s’élançant vers les cieux qu’il colore,
Le soleil de son char précipite le cours.
Toi qui viens commencer le dernier de mes jours,
Adieu, dernier soleil ! adieu, suprême aurore !
Demain, du sein des flots vous jaillirez encore ;
Et moi je meurs ! et moi je m’éteins pour toujours !
Adieu, champs paternels ! adieu, douce contrée !
Adieu, chère Lesbos à Vénus consacrée !
Rivage où j’ai reçu la lumière des cieux ;
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