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XVIII

Un de ces détachements, au nombre de trente, dont vingt-neuf Suisses et un jeune page de la reine à leur tête, se jeta dans la cour de l’hôtel de la marine, au coin de la rue Royale. Le page représente en vain à ses compagnons que, forcés dans cet étroit asile, ils y périront tous. Ils persistent et se fient à la générosité du peuple. Un groupe de huit fédérés se présente devant la porte. Les Suisses en sortent un à un, jetant leurs fusils aux pieds des fédérés ; ils croient leurs ennemis attendris par ce geste de vaincus qui s’abandonnent à la merci du vainqueur. « Lâches, leur crie un des fédérés, vous ne vous rendez qu’à la peur, vous n’aurez point de quartier ! » En parlant ainsi, il plonge le fer de sa pique dans la poitrine d’un des Suisses ; il en tue un autre d’un coup de pistolet. On leur scie la tête avec des sabres pour la promener en trophée.

À cette vue, les Suisses indignés retrouvent leur énergie dans le désespoir. Ils ressortent à la voix du page, ils ramassent leurs fusils, ils font une décharge sur les fédérés. Ils en tuent sept sur huit. Mais d’autres fédérés, amènent une pièce de canon chargée à mitraille devant la porte et font feu. Vingt-trois soldats, sur vingt-sept, tombent sous le coup. Les quatre autres, avec le page, à la faveur de la fumée, se glissent, sans être vus, dans une cave de l’hôtel. Ils s’ensevelissent dans le sable humide et trompent ainsi