tisme par son père, il n’avait pas eu à faire son choix entre les opinions. Son éducation avait fait ce choix pour lui. Il avait respiré la Révolution ; mais il ne l’avait pas respirée au Palais-Royal, foyer des désordres domestiques et des plans politiques de son père. Son adolescence s’était écoulée studieuse et pure dans les retraites de Belle-Chasse et de Passy, où madame de Genlis gouvernait l’éducation des princes de la maison d’Orléans. Jamais femme ne confondit si bien en elle l’intrigue et la vertu, et n’associa une situation plus suspecte à des préceptes plus austères. Odieuse à la mère, favorite du père, mentor des enfants, à la fois démocrate et amie d’un prince, ses élèves sortirent de ses leçons pétris de la double argile du prince et du citoyen. Elle façonna leur âme sur la sienne. Elle leur donna beaucoup de lumières, beaucoup de principes, beaucoup de calcul. Elle glissa de plus dans leur nature cette adresse avec les hommes et cette souplesse avec les événements qui laissent reconnaître à jamais l’empreinte de la main d’une femme habile sur les caractères qu’elle a touchés. Le duc de Chartres n’eut point de jeunesse. L’éducation supprimait cet âge dans les élèves de madame de Genlis. La réflexion, l’étude, la préméditation de toutes les pensées et de tous les actes, y remplaçaient la nature par l’étude et l’instinct par la volonté. Elle faisait des hommes, mais des hommes factices. À dix-sept ans, le jeune prince avait la maturité des longues années. Colonel en 1791, il avait déjà mérité deux couronnes civiques de la ville de Vendôme, où il était en garnison, pour avoir sauvé, au péril de ses jours, la vie à deux prêtres dans une émeute, et à un citoyen dans le fleuve. Assidu aux séances de l’Assemblée constituante, affilié par son père aux Jacobins, il assistait dans les tri-
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