Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/11

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et sincères croient voir en moi une tendance croissante à matérialiser l’idée de Dieu, à confondre le Créateur et la création dans une vague et ténébreuse identité qui, en détruisant l’individualité suprême de Dieu et l’individualité de l’homme, anéantirait à la fois l’homme et Dieu, et ferait ainsi je ne sais quelle chose semblable au chaos avant que la lumière y brillât et que le Verbe en eût séparé les éléments. Ce serait pis que l’athéisme, car ce serait nier Dieu en le proclamant ; deux non-sens au lieu d’un ! Peut-être quelques expressions métaphoriques et inexactes de mes ouvrages ont-elles donné lieu à cette méprise sur mes opinions religieuses ? j’en serais profondément affligé. La langue vague et indéterminée de la poésie se prête mal à la rigueur des termes que doit préciser la métaphysique. Si mes vers laissent du doute, je m’explique en prose.

Je crois en Dieu possédant la suprême individualité, comme y croit la nature qui n’a été créée que pour réfléchir cette individualité divine, et qui ne subsiste que de sa providence. Je crois, à la liberté morale de l’homme, mystérieux phénomène dont Dieu seul a le secret, mais dont la conscience est le témoin, et dont la vertu est l’évidence. Je crois à toutes les conséquences qui, dans cette vie et dans une autre, dérivent de cette double foi. Je crois que la seule œuvre de l’humanité comme être collectif, et de l’homme comme être individuel, c’est de graviter vers Dieu en s’en rapprochant toujours davantage. Je crois que le travail du jour, comme le travail des siècles, c’est de dévoiler de plus en plus cette idée de Dieu, dont chaque rayonnement illumine l’esprit d’une vérité de plus, enrichit le cœur d’une vertu de plus, prépare à l’homme une destinée plus parfaite, et fait remonter à Dieu une plus