Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/111

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Cédar, qui, tout à coup trompé par cette image,
Y voit de Daïdha briller le doux visage,
Pour la réalité prenant ce vain portrait,
Pousse un cri, tend les bras, s’élance comme un trait,
Croit que le fleuve emporte et roule dans les ondes
Ce beau corps qu’il irait sauver au fond des mondes,
Plonge pour la chercher sous la vague et la mort,
Y replonge trois fois, et ne revient au bord
Qu’aux cris de Daïdha, qui, ravie et craintive,
Passant du rire aux pleurs, l’appelait sur la rive.
Il vint ; et de ce jour la fille de Selma
Comprit de quel amour il l’aimait, et l’aima.

Pour qu’il ne tentât pas une autre fois l’épreuve,
Assise à ses côtés sur la grève du fleuve,
Elle lui fit du doigt compter comment les eaux
Doublaient comme elle et lui les arbres, les troupeaux,
Des objets réfléchis vaine et vide apparence ;
Mais lui, depuis ce temps, aimait de préférence
Le fleuve qui doublait Daïdha dans son cours ;
Et des yeux, même absente, il l’y cherchait toujours.

Alors comme une mère avec son fils épelle,
En lui montrant le mot et l’objet qu’il appelle,
Ainsi de l’œil au mot sa bouche le guida ;
Le premier mot qu’il dit ainsi fut Daïdha.
Daïdha ! Daïdha ! ce nom doux et sonore
Sur ses lèvres de feu cent fois venait éclore ;