Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/135

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Sur la croupe des monts, la lune à demi pleine
Rasait la feuille sombre et débordait à peine,
Et les troncs noirs, coupant ses rayons encor bas,
N’étaient qu’un crépuscule où tâtonnaient ses pas.
Elle en adoucissait la chute sur la terre
Pour que l’herbe muette en gardât le mystère,
Et, la tête penchée et les bras en avant,
Marchait comme la biche en écoutant le vent.
Le souffle entrecoupé d’une haleine oppressée
Lui découvrit Cédar ; vers la terre baissée,
Et relevant ses bras par l’horreur écartés,
Elle couvait des yeux ses traits ensanglantés.
L’esclave évanoui sur un monceau de pierres,
La pâleur sur le front, la nuit sur ses paupières,
Des flèches dans le corps, sous l’excès du tourment
Avait de sa douleur perdu le sentiment.
Il était dans ce calme où, du coup étourdie,
Du sommeil à la mort l’âme nage engourdie.
D’une froide sueur ses membres découlaient,
Quelques filets de sang sur sa peau ruisselaient ;
Et son chien, resté seul, flairant chaque blessure,
De sa langue d’ami les léchait à mesure.
Sur le corps de Cédar se penchant à demi,
Elle prêta l’oreille à son souffle endormi ;
Et sentant le cœur chaud sous sa main battre encore,
Et voyant la couleur sous ses baisers éclore,
L’espérance rendit la force à son amour.
Elle arracha du corps les flèches tour à tour,
De ces dards sans tranchant blessure peu profonde ;
Elle baisa la tempe atteinte par la fronde ;