Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/146

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Était-ce un sentiment aveugle de l’amour,
Qui pour un tel bonheur voulait un tel séjour ?
Était-ce qu’adorant jusqu’à l’idolâtrie
Il crût partout ailleurs son amante flétrie,
Et qu’il trouvât la terre indigne de toucher
Celle que sur un ciel il eût voulu coucher ?
Mais, semblable au torrent qui roule sur sa pente,
Il fut en un clin d’œil à la verte soupente.
Ses bras parmi les fleurs posèrent Daïdha ;
De parfums sous ce poids le berceau déborda ;
Les calices fermés de baume découlèrent ;
Les oiseaux endormis des branches s’envolèrent,
Et, s’embarrassant l’aile aux lianes des toits,
Firent pleuvoir la feuille et les gouttes des bois.

Cédar la regarda les bras croisés de joie,
En homme qui dépose et ressaisit sa proie ;
Puis se rapprochant d’elle, il s’assit sur le bord,
Comme une mère heureuse auprès d’un fils qui dort ;
Et, le coude appuyé sur la couche embaumée
Que creusait sous son poids la tête bien-aimée,
Il oublia, des yeux en couvant son trésor,
Qu’à la terre des pleurs ses pieds touchaient encor,
Et que la lune au ciel marchait… Ce qu’ils se dirent,
Les calices des fleurs, les mousses l’entendirent.
Les esprits dont l’amour au ciel est le seul sens
S’arrêtèrent d’envie à ces mortels accents ;
Et Cédar, aspirant le ciel dans sa parole,
Crut que le monde entier adorait son idole.