Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/178

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Cédar, aux premiers sons de cette voix plaintive,
Collant contre la tour son oreille attentive,
Avait cru de la pierre entendre s’exhaler
Une voix des tombeaux qui venait l’appeler.
Il n’avait pas d’abord reconnu dans la plainte
La voix de son amour, par l’agonie éteinte ;
Mais au nom de Cédar par elle prononcé,
Frappé d’un jour terrible, il s’était élancé.

Arrêté par le mur, qui le frappe au visage,
Il cherchait à tâtons dans la roche un passage.
Trois fois, les bras tendus, de la fatale tour,
Comme un tigre enfermé, ses bras firent le tour,
Quand sa main, vainement cherchant la porte absente,
Trouvant le vide étroit s’engouffra dans la fente.
Il plongea tout le bras dans le noir souterrain :
Le front de Daïdha glacé glaça sa main :
Il palpa, froid et mort, au fond du cachot sombre,
Tout ce groupe d’angoisse expirant dans son ombre.
L’horrible vérité jaillit à son esprit ;
Tout ce qu’il ignorait, son horreur le comprit.
Posant l’orteil tremblant sur le moindre interstice,
Il gravit au sommet du muet édifice ;
Et, de peur d’écraser sous les murs son amour,
Par sa cime élevée il démolit la tour.
Son bras désespéré faisait voler la pierre
Comme le vent d’hiver soulève la poussière ;
Des blocs, qui de nos jours feraient fléchir dix bras,
Allaient tomber à terre et la fendre à cent pas.