Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/182

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Depuis l’heure où la nuit se teint du crépuscule,
Jusqu’à l’heure où le jour suit l’ombre qui recule,
Il courut sans reprendre haleine un seul moment,
Sans parler, en serrant du bras ce cou charmant.
Enfin lorsque ses pas, dévorant la carrière,
Eurent laissé les monts, les plaines en arrière,
Quand son regard perçant vit un autre horizon,
Il posa son fardeau d’amour sur le gazon,
Regarda tout autour avec inquiétude,
Comme s’il soupçonnait même la solitude ;
Puis riant et pleurant, et criant tour à tour,
En se frappant les mains il bondit alentour.
Daïdha, dont les pleurs arrosaient le sourire,
En lui tendant les bras contemplait son délire :
Il s’y jeta cent fois, et les petits enfants
Répondaient par leur rire à ses bonds triomphants.
Quand il eut par ses cris évaporé son âme,
Comme un vase trop plein s’évapore à la flamme,
Il prit, sans les vider, sur la tige des lis,
Ces calices de fleur par la séve remplis ;
Du baume de la nuit, que leur urne recueille,
Aux lèvres de la mère en exprima la feuille.
Il secoua la branche où dans sa dure noix
Le palmier du désert contient le lait du bois ;
Contre le tronc de l’arbre il en brisa les houppes ;
À genoux, dans sa main tenant leurs demi-coupes,
Aux lèvres des enfants, que trompait la couleur,
Il fit teter la noix et savourer la fleur.
Joignant ses fortes mains en flexibles corbeilles,
Joyeux il apporta des rayons d’or d’abeilles,