Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/267

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Oh ! si nos bras osaient les ravir à ces lieux,
Quels prix nous donneraient les reines et les dieux ! »

Tout en parlant ainsi, leur audace enhardie
Entraînait Daïdha par la peur engourdie ;
Et lui liant ensemble et les pieds et les bras,
Mais sans serrer trop fort ses membres délicats,
Comme fait l’oiseleur les pieds des tourterelles,
En tremblant de froisser le duvet de leurs ailes,
Ils remirent ses fils endormis sur son sein,
Et vinrent accomplir leur sinistre dessein.

Sous le poignard levé par la main meurtrière,
Paisible et l’œil au ciel tendu par la prière,
Adonaï semblait soupirer de langueur
Pour ce coup si longtemps suspendu sur son cœur,
Heureux de voir son sang par ce supplice même
Contre ces dieux menteurs être un dernier blasphème,
Et tomber, tout brûlant de martyre et de foi ;
Dans la main de Celui dont il scellait la loi !
Irrités de son calme et de son assurance,
Essayant de tenter sa foi par l’espérance,
Les bourreaux de son sein écartaient cette mort.
« Non, lui seul, disent-ils, qu’il décide son sort !
À lui-même qu’il soit son juge et son supplice. »
Le traînant à ces mots au bord du précipice,
À l’endroit où le roc, plus droit et plus profond,
Laissait l’œil mesurer l’abîme jusqu’au fond,