Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/28

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Ah ! celui-là, mon fils, sait des choses étranges
Sur l’enfance du temps, sur l’homme et sur les anges.
Soit qu’un récit divin lui fût un jour conté,
Soit qu’au-dessus des sens son esprit soit monté,
Soit que dans les rigueurs dont il se sanctifie
Son âme ait retrouvé le don de prophétie,
Et qu’au lieu de percer la nuit de l’avenir
Elle sache évoquer des temps le souvenir :
Comme un esprit robuste, à force de pensée,
Rappelle du lointain sa mémoire effacée,
Il voit les jours d’Adam comme ceux d’aujourd’hui.
Mais c’est un dur travail de monter jusqu’à lui.
Il habite, au plus haut de ces cimes visibles,
Un antre tout fermé de rocs inaccessibles,
Où le pas des mortels ne trouve aucun sentier.
Le montagnard en vain gravit un jour entier.
On ne peut découvrir la grotte sans prodige ;
On dit qu’à moins qu’un ange ou Dieu ne vous dirige,
De peine et de sueurs le corps anéanti,
On se retrouve au point d’où l’on était parti.
Mais l’esprit du Très-Haut, qui de si loin vous mène,
Vous conduira, mon fils, mieux qu’une trace humaine ;
Laissez la blonde enfant avec sa mère en bas,
Et demain au Liban j’accompagne vos pas. »


Nous laissâmes tomber notre ancre dans la vase
Où l’antique Sidon, près d’un cap qui s’évase,
Rassemblait par milliers sous ses quais de granit
Ses voiles comme autant d’aiglons rentrés au nid.