Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/357

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As-tu, céleste enfant, voulu lui ressembler,
Pour enivrer mon âme et pour me consoler ?
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Mais sa candeur naïve est-elle sur ta bouche ?
Tu dis, fille des dieux, que mon destin te touche !
Tu demandes, au fond de cet enfer des dieux,
Ce que roule mon cœur, ce que pleurent mes yeux ?
Non, ce n’est pas le jour, la montagne ou la plaine,
Ni l’air pur des déserts qui manque à mon haleine,
Ni l’espace sans murs, libre à mes pas errants ;
Ni les bois, ni les fleurs, ni les eaux des torrents ;
C’est elle ! Daïdha, que tes dieux m’ont ravie !
Mon jour est son regard, et son souffle est ma vie !
Mon espace est l’empreinte où s’impriment ses pas !
Mon empire est son cœur, et mes cieux sont ses bras !
Ah ! si tu me la rends, je te croirai sincère !
Tes dieux seront mes dieux !… Cédar sera ton frère ! »

En lui parlant ainsi, sur ses genoux pliant,
Et secouant ses fers de son bras suppliant,
Cédar dans chaque mot semblait darder son âme.
Lakmi sentit monter sa colère de femme ;
Ce frénétique amour pour une autre beauté
Fit jaillir de son cœur l’instinct de cruauté :
Dans son amour jaloux, par l’amour offensée,
Avilir Daïdha fut sa vague pensée !
« Oui, je te la rendrai, se dit-elle tout bas,
Rebut souillé des dieux dont tu ne voudras pas ! »