Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/79

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Les cinq autres, frappés de surprise et d’horreur,
Reculent quelques pas ; leur commune terreur
Multiplie un seul homme en armée à leurs vues.
Pour protéger leur vie ils lèvent leurs massues ;
Bientôt, sûrs du triomphe, ils reviennent à lui,
Regagnent d’un élan le terrain qu’ils ont fui,
Et fondant à la fois sur l’unique adversaire,
Leur cercle menaçant l’entoure et le resserre.
Il les voit sans pâlir, et de son bras tendu
Saisissant par les pieds le cadavre étendu,
Il le fait tournoyer sur lui comme une épée :
De sa massue humaine à chaque tour frappée,
La troupe homme par homme en un clin d’œil s’abat.
La forêt retentit de l’horrible combat ;
La tête du géant, comme une lourde masse,
Broie en éclats les os des crânes qu’il terrasse ;
Leur cervelle en lambeaux sur ses pieds vient jaillir,
Quatre ont mordu le sol. Il sent son bras faillir,
Et l’arme trop pesante, au cinquième adressée,
Trompe, en manquant le but, la main qui l’a lancée ;
C’était Djezyd, le seul survivant à ses coups,
Le seul, mais à lui seul plus terrible qu’eux tous.
Profitant du terrain avec intelligence,
Son coup d’œil lui promet sa proie et sa vengeance.
Sur le vainqueur lassé d’un grand bond s’élançant,
Au moment où le pied lui glisse dans le sang,
À son torse noué flancs à flancs il s’enlace,
L’étouffe de son corps, l’ébranle de sa masse.
Comme deux troncs voisins par l’orage tordus,
Enlaçant aux rameaux leurs rameaux confondus,