Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/83

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Ils se rangent muets près de l’heureuse enfant,
Qui leur fait de ces morts le récit triomphant.
Le merveilleux combat passe de bouche en bouche ;
Autour de l’étranger on se presse, on le touche ;
On l’entraîne en triomphe à travers les forêts,
Comme un frère de plus, jusqu’aux antres secrets
Où la tribu nomade a creusé ses asiles
Pour fuir la servitude et les travaux des villes ;
Et les vieillards, assis sous l’arbre du conseil,
Pour parler et juger devancent le soleil.

Or, en ces temps, mon fils, des choses primitives,
Les enfants de Caïn, familles fugitives,
Vivant, comme la brute, éparses dans les bois,
N’avaient point inventé le pouvoir ni les lois.
Les lois n’étaient alors que ces instincts sublimes
Qui font vibrer en nous nos sentiments intimes :
Sons vagues et confus que rendait au hasard
L’âme humaine, instrument sans règles et sans art,
Avant que la sagesse, éclairant nos oreilles,
Eût dans un chant divin accordé ses merveilles.
Le pouvoir n’était rien que la paternité,
De la vie et du temps la sainte autorité,
Dont l’âge décernait l’évidente puissance,
Et pour qui l’habitude était l’obéissance.
Quand la famille humaine en rameaux s’étendait,
Le conseil des vieillards au père succédait ;
Du destin des tribus séculaires arbitres,
Ils régnaient sans couronne, et gouvernaient sans titres ;