Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 2.djvu/91

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Comme un serpent de feu glissent dans les ténèbres,
Illuminent les mers de cent phares funèbres,
Surprennent sur les flots leurs tyrans endormis,
Se cramponnent aux flancs des vaisseaux ennemis.
Et, leur dardant un feu que la vengeance allume,
Bénissent leur trépas, pourvu qu’il les consume ?…

Ce sont là les flambeaux dignes de tes autels !
Viens donc, dernier vengeur du destin des mortels,
Toi que la tyrannie osait nommer un rêve !
La croix dans une main et dans l’autre le glaive,
Viens voir, à la clarté de ces bûchers errants,
Ressusciter un peuple et périr des tyrans !


IV


Mais où donc est Harold, ce pèlerin du monde,
Dont j’ai suivi longtemps la course vagabonde ?
A-t-il donc jeté l’ancre au midi de ses jours ?
Ou s’est-il endormi dans d’ignobles amours ?
Ai-je perdu ce fil de mes sombres pensées,
Qui, marquant de mes pas les traces effacées,
M’aidait à retrouver moi-même dans autrui ?
Mystérieux héros ! c’était moi, j’étais lui ;
Et, sans briser jamais le nom qui les rassemble,
Nos deux cœurs, nos deux voix sentaient, chantaient ensemble.
Mais depuis qu’en partant, la ville des Césars
Le vit se retourner vers ses sacrés remparts ;
Que Tibur, encor plein du chantre de Blanduse,
Tressaillit de plaisir sous les pas de sa muse ;