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de verrous dont le bruit ne pouvait manquer d’éveiller mon père. Je couchais dans une chambre haute du premier étage. Je pouvais descendre en me suspendant à un drap de mon lit et en sautant de l’extrémité du drap dans le jardin ; mais je ne pouvais remonter. Une échelle heureusement oubliée par des maçons qui avaient travaillé quelques jours dans les pressoirs me tira d’embarras. Je la dressai, le soir, contre le mur de ma chambre. J’attendis impatiemment que l’horloge eût sonné onze heures et que tout bruit fût assoupi dans la maison. J’ouvris doucement la fenêtre et je descendis, mon fusil à la main, dans l’allée des noisetiers. Mais à peine avais-je fait quelques pas muets sur la neige, que l’échelle, glissant avec fracas contre la muraille, tomba dans le jardin. Un gros chien de chasse qui couchait au pied de mon lit, m’ayant vu sortir par la fenêtre, s’était élancé à ma suite. Il avait entravé ses pattes dans les barreaux et avait entraîné par son poids l’échelle à terre. A peine dégagé, le chien s’était jeté sur moi et me couvrait de caresses. Je le repoussai rudement pour la première fois de ma vie. Je feignis de le battre pour lui ôter l’envie de me suivre plus loin. Il se coucha à mes pieds et me vit franchir le mur qui séparait le jardin des vignes sans faire un mouvement.


XV


Je me glissai à travers les champs, les bois et les prés, sans rencontrer personne jusqu’au bord du ravin opposé à la maison de Lucy. Je brûlai l’amorce. Une légère lueur allumée un instant, puis éteinte à la fenêtre