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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 3.djvu/200

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Morte avec tous ses fruits, morte avec tout leur germe,
Morte avec chaque loi que chaque règne enferme,
Morte avec tous ses bruits et tous ses mouvements,
Avec tous ses instincts et tous ses sentiments,
Morte avec tous ses feux éteints dans ses abîmes,
Morte avec ses vapeurs retombant de ses cimes,
Morte avec tous ses vents ; et son silence seul
L’enveloppait partout comme un morne linceul,
Un soleil sans rayons, de ses reflets funèbres
Ne pouvait que pâlir ces flottantes ténèbres ;
Rien n’y réfléchissait l’aurore ni le soir :
Tel, dans un œil éteint qui ne peut plus la voir,
La clarté d’un flambeau tombe en vain ; la paupière,
Comme un miroir terni, change en nuit la lumière.
C’était un point obscur dans le vide de l’air,
Un cadavre flottant sur les flots de l’éther ;
Et l’esprit du Seigneur, en traversant l’espace,
Avec crainte et dégoût s’éloignait de sa trace ;
Mais, semblable à l’amour qui survit au trépas,
Un seul ange du moins ne l’abandonnait pas.
C’était ce grand esprit, cette âme universelle,
Qui vivait, qui sentait, qui végétait pour elle ;
Être presque divin dont elle était le corps,
Qui de sa masse inerte agitait les ressorts,
Dont l’homme avait nié l’intelligence obscure,
Ou que, sans la comprendre, il nommait la Nature.
Quand elle eut accompli ses destins et ses lois,
L’esprit avait repris sa forme d’autrefois.

De céleste et d’humain harmonieux mélange,
C’était un homme avec les ailes d’un archange ;
Mais un homme agrandi, solide, colossal,
De cet être déchu type primordial,