« Hélas ! monsieur, je n’étais pas bien loin du secours ; mais le vent, la poussière, le bruit, étaient si forts et la nuit si épaisse, qu’on ne pouvait ni me voir ni m’entendre. D’ailleurs, il y avait déjà longtemps que je ne criais plus. Le vent du midi était un peu tombé, la neige était tiède et fondait sous moi, les nuages ne couraient plus si bas ni si vite, ils laissaient de grands intervalles bleus et noirs dans le ciel, où j’apercevais des étoiles qui paraissaient courir comme si Dieu les eût appelées de même que j’appelle mes poules, qui courent à l’heure où je leur jette le grain. La nuit devait être avancée ; je crois qu’il était bien deux ou trois heures du matin. J’avais, transie, prié ou rêvé, sans m’en douter, près de la moitié de cette nuit. Ah ! quelle nuit ! Mais ne vous tourmentez pas, monsieur, je vais vous dire la fin de tout.
« Je me levai sur mes jambes engourdies ; je ne sentais plus mes pieds, tant ils étaient gelés. Je ne vis rien, il faisait trop sombre ; mais voilà qu’en écoutant, tout à coup j’entendis tout près de moi le mugissement lent et sourd d’une vache à laquelle répondit le chant d’un coq endormi qui chantait sans doute en rêve, ou bien qui prenait la lueur d’une étoile pour un premier rayon du matin.
« Je ne puis pas vous dire ce que je sentis en entendant