Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/38

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violente et faible, comme les femmes âgées qui n’ont eu que des passions, résista longtemps, puis finit par consentir et par livrer sa petite-fille, à condition seulement que le mariage ne serait qu’un acte d’obéissance de sa part, une espèce d’engagement futur ratifié par un notaire et par un prêtre, mais qu’on lui laisserait sa petite-fille a elle seule encore trois ans. D’ailleurs, en consentant étourdiment à se rendre avec elle dans les Abruzzes, elle s’était enlevé à elle-même tout moyen de résistance morale à cette union et tout moyen d’éloignement. Elle n’était entourée que des amis et des affidés du prince et du tuteur de Régina. Il était trop tard pour les contredire. Sans oser la prévenir la veille, autrement que par ses larmes, du sacrifice dont elle allait être la victime le lendemain, elle lui annonça, à son réveil, la volonté de la famille. Une heure après, Régina était mariée dans la chapelle du château de ***. Le prince, le tuteur et leur suite tinrent parole, et se retirèrent à Rome aussitôt après la célébration du mariage, laissant Régina à sa grand’mère, comme une enfant qui ne pouvait pas encore tenir le rang d’épouse et l’autorité de maîtresse de maison dans le palais de son mari ! Son extrême jeunesse servit de prétexte pour colorer, aux yeux de la société de Rome, cette réserve du vieux prince ***. Il n’y eut de changé, dans la vie de Régina, que son nom. Au bout de quelques jours, elle avait presque oublié elle-même qu’elle ne s’appartenait plus. Il fut convenu que la jeune princesse de *** voyagerait avec sa grand’mère à Sienne, à Florence, à Naples, en Sicile, pendant les saisons d’été, et qu’elle vivrait à Rome comme pour achever son éducation dans le même couvent de la Longara où elle venait de passer les années de son enfance. Sa grand’mère s’y retirerait avec elle pour ne pas se séparer de son idole, qu’elle ne pouvait pas produire en public