Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/69

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Nous reprîmes donc ensemble la route de Genève ; nous y arrivâmes sans événement.

À notre arrivée, je m’occupai aussitôt, d’après leur désir, de chercher sur les bords du lac une maison modeste, solitaire et d’un séjour agréable, où ces deux femmes, qui voulaient rester inconnues, pussent passer le temps plus ou moins prolongé de leur exil. Je ne trouvai cette maison qu’à une certaine distance de Genève, aux environs de la jolie petite ville de Nyon. Elle consistait en deux ou trois pièces au rez-de-chaussée, ouvrant sur une pelouse plantée de tilleuls, et quelques chambres basses au premier étage pour la comtesse Livia, sa fille, la nourrice et les deux femmes que je leur avais trouvées à Nyon pour les servir. Une petite chambre, dont les murs étaient de sapin, au-dessus de la maisonnette de bois du jardinier, séparée du corps de logis par un verger, me servit de logement à moi-même. Ce séjour, quoique pauvre en apparence, était délicieux. Le verger se confondait, du côté opposé au lac, avec un taillis de châtaigniers coupé çà et là de sentiers naturels de sable, où l’on pouvait s’égarer jusqu’aux montagnes. Une source descendant par un tuyau de sapin et coulant par un robinet de cuivre tombait nuit et jour avec un bruit modulé diversement, selon le vent, dans un bassin de pierre où venaient boire les vaches et les oiseaux. Devant la façade de la maison de la princesse, une colonnade de troncs de sapins coupés et replantés en terre avec leur écorce s’avançait de quelques pas sur le sable d’une allée, et recouvrait un divan de bois raboteux, où l’on apportait les coussins du salon et où la comtesse Livia passait toutes les heures tièdes du jour avec la nourrice. La pelouse, qui s’inclinait par une pente douce un peu plus loin, n’avait son horizon coupé que par deux ou trois