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RAPHAËL

XXI

Le frais du matin l’avait réveillée pendant que je priais, le visage noyé dans mes larmes, au bord de son lit. Elle avait eu le temps de voir l’ardeur de ma compassion à l’ardeur de ma prière. Elle avait eu assez de réflexion pour me reconnaître au jour, dont les premiers rayons entraient maintenant dans la chambre. Évanouie dans l’isolement et dans l’indifférence, elle s’éveillait sous la garde d’un pieux inconnu. Privée de toute parenté d’âme dans la fleur négligée de sa vie, elle trouvait tout à coup à côté d’elle la figure, l’attitude, les soins, la prière, les larmes d’un jeune frère ; ce nom avait échappé à son cœur et à ses lèvres en recouvrant le sentiment de ce bonheur avec la sensation de la vie !

Un frère ? oh ! non, madame ! lui répondis-je en prenant la main qu’elle tendait vers moi et en l’écartant respectueusement de mon front, comme si je n’eusse pas été digne d’être touché par elle ; un frère ? oh ! non, mais un esclave, mais une ombre vivante de vos pas, qui ne demande que le droit de se souvenir de cette nuit, et de conserver à jamais l’image d’une apparition qui lui fait désirer de la suivre jusque dans la mort, ou qui pourrait seule lui faire supporter cette vie ! »

À mesure que ces paroles embarrassées et hésitantes s’échappaient de mes lèvres, a demi-voix, les teintes roses de la vie remontaient sur ses joues, un sourire triste se répandait autour de sa bouche comme une incrédulité obstinée au bonheur, ses yeux soulevés vers le ciel du lit semblaient écouter, par le regard, des mots qui ne répondaient qu’à ses pensées. Jamais le passage de la mort à la vie et