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RAPHAËL

dement en collant mes lèvres sur ses pieds et en les entourant convulsivement de mes bras comme pour la retenir sur la terre ; non, non, elle ne finit pas, ou si elle finit, je le sens, elle finira pour deux !… »

Je tremblai du geste que j’avais fait et du cri qui m’était involontairement échappé ; je n’osais plus relever mon visage du gazon d’où elle avait retiré ses pieds.

« Relevez-vous, me dit-elle avec une voix grave, mais sans colère ; n’adorez pas une poussière mille fois plus poussière que celle où vous souillez vos cheveux, et qui s’envolera au premier souffle d’automne. Ne vous trompez pas sur la pauvre créature qui est devant vos yeux. Elle n’est que l’ombre de la jeunesse, l’ombre de la beauté, l’ombre de l’amour, que vous devez un jour peut-être sentir et inspirer quand cette image sera évanouie depuis longtemps. Gardez votre cœur pour celles qui doivent vivre, et ne me donnez que ce qu’on donne aux mourants : une main douce pour les soutenir au dernier pas de la vie et une larme pour les pleurer !… »

XXX

L’accent grave, réfléchi et résigné avec lequel elle prononça. ces paroles me donna le frisson. Cependant, en levant les yeux sur elle, en voyant les teintes colorées du soleil couchant illuminer ce visage où la jeunesse des traits et la sérénité de l’expression resplendissaient d’heure en heure davantage, comme si un soleil nouveau s’était levé en elle, je ne pus croire à la mort cachée sous ces symptômes éclatants de vie. D’ailleurs, que m’importait ? Si cette angélique apparition était la mort, en bien, c’était la mort que j’adorais ! Peut-être l’amour immense et complet dont j’étais al-