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RAPHAËL

Cet amour, par sa pureté même, se renouvelait sans cesse avec les mêmes lueurs dans l’âme, les mêmes rosées sur les yeux, les mêmes saveurs virginales de premier aveu. Tous les jours étaient comme le premier jour. Tous les moments étaient semblables à cet ineffable moment où on le sent éclore en soi et se répéter dans le cœur cet dans le regard d’un autre soi-même, toujours fleur, toujours parfum, toujours ivresse, parce que le fruit n’en sera jamais cueilli.

CXI

Cet amour prenait pour se traduire cette infinité de formes par lesquelles Dieu a permis à l’âme de se communiquer à l’âme, à travers la barrière transparente des sens : depuis le regard qui contient le plus de nous-mêmes dans un rayon presque intellectuel jusqu’aux paupières fermées qui semblent recueillir en nous l’image reçue, pour l’empêcher de s’évaporer ; depuis la langueur jusqu’au délire, depuis le soupir jusqu’au cri, depuis le long silence jusqu’à ces paroles intarissables qui coulent des lèvres sans pause et sans fin, paroles qui coupent l’haleine, qui lassent la langue, qu’on prononce sans les entendre soi-même, et qui n’ont au fond d’autre signification que celle d’un effort impuissant pour dire et pour redire ce qui ne peut jamais être assez dit !…

CXII

Nous avions souvent parlé ainsi des heures entières, a demi-voix, le coude sur la petite table, le visage près du