Mais si je te disais : « Va, seule, je t’envoie
Mourir pour tous les noirs ? »
Partout où vous diriez, oui, mon oncle, j’irais !
Car ce serait pour vous encor que je mourrais !
Mais si je te disais : « Loin de moi, va-t’en vivre,
Adrienne ! Je vais où tu ne peux me suivre. »
Que ferais-tu ?
De mes bras enlacés j’arrêterais vos pas,
Ou vous me traîneriez à vos genoux collée
Comme on traîne à son pied la liane enroulée !
Mais cet horrible jeu, pourquoi le faites-vous ?
Ai-je donc jamais eu d’abri que vos genoux ?
Et si vous m’enleviez ce roc où je m’appuie,
Où serait, dites-moi, la place de ma vie ?
Ange des noirs, ta place était au paradis.
Non, ce n’est pas un jeu, mais pourrais-tu bien, dis !
Là., dans ton cœur limpide, étouffer un mystère ?…
Le sort de ton pays ?… Tout savoir et te taire ?
De tout ce que j’ai su qu’ai-je donc révélé ?
Entendit-on l’écho quand vous m’avez parlé ?
Il est vrai, ton jeune âge égale ma prudence ;
J’ai mis dans ton cœur sûr toute ma confidence.
La nuit, le ciel et toi savent seuls mes secrets,
Et ces murs plus que toi n’ont pas été discrets.