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JEANNE D’ARC.

qu’au sillon. La mère restait à la maison pour garder le seuil et surveiller le foyer. Elle était assez riche pour s’occuper seulement des soins domestiques et intérieurs, sans tenir elle-même la faucille et sans se charger du fardeau des gerbes. Elle élevait sa fille dans la même condition de loisir qu’elle avait elle-même chez son mari. Bien que Jeanne, dans sa première enfance, jouât et s’égarât au bord des bois avec les petites filles du village, sa mère ne l’employa jamais comme bergère à garder les troupeaux. Elle ne savait ni lire ni écrire, et ne pouvait lui enseigner ce qu’elle ignorait ; mais elle l’entretenait de choses honnêtes et pieuses, qu’une mère de famille verse par tradition dans la mémoire de son enfant. Elle lui apprenait à coudre avec cette perfection qui est l’art domestique des jeunes filles depuis l’antiquité. Jeanne était devenue si habile dans ces travaux sédentaires de l’aiguille, qu’aucune matrone de Rouen, dit-elle elle-même, n’aurait pu rien lui remontrer de plus de ce métier où Rouen excellait alors. Elle filait aussi les toisons ou le chanvre à côté de sa mère. Elle recevait d’elle seule les instructions de l’église. « Aucune fille de son âge et de sa condition, dit une de ses compagnes interrogée sur cette enfance, n’était tenue plus amoureusement dans la maison de ses parents. Que de fois j’allai chez son père ! Jeanne était une fille simple et douce. Elle aimait à aller à l’église et aux saints pèlerinages. Elle s’occupait du ménage comme les autres filles. Elle se confessait souvent. Elle rougissait de honte honnête quand on la raillait sur sa piété, et sur ce qu’elle aimait trop à prier dans les sanctuaires. Elle était aumônière et charitable. Elle soignait les enfants malades dans les chaumières voisines de la maison de sa mère. » Un pauvre laboureur du pays disait à ses juges se souvenir d’avoir été veillé ainsi par elle quand il était enfant.

« Gracieuse de visage, elle croissait leste et forte de ses