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JEANNE D’ARC.

On lui demanda : « Et qui est votre Seigneur ? » Elle répondit : « C’est Dieu ! »

Deux chevaliers présents s’émurent, l’un jeune, l’autre vieux. Ils lui promirent sur leur foi, la main dans sa main, qu’avec l’aide de Dieu ils lui feraient parler au roi.

Pendant ces délais, qui semblaient commandés par le respect même pour le Dauphin, Baudricourt conduisit Jeanne au duc de Lorraine, de qui il relevait à Vaucouleurs, afin de décharger sa responsabilité et de prendre ses ordres.

Le duc vit Jeanne, et l’interrogea sur une maladie dont il était en ce moment affligé. Elle ne lui parla que de guérir son âme en se réconciliant avec la duchesse, dont il était séparé. Baudricourt la ramena à Vaucouleurs.

Pendant le voyage et le séjour de Jeanne chez le duc de Lorraine, le Dauphin lui-même avait été avisé par lettres de la merveille de Domrémy. Quelques-uns pensent que Baudricourt avait voulu prendre, avant toute résolution, les ordres du Dauphin et de sa belle-mère la reine Yolande d’Anjou, et que le Dauphin, la reine Yolande et le duc de Lorraine se concerteraient avec Baudricourt pour faire profiter à leur cause l’apparition d’une jeune, belle et pieuse fille, digne de protection divine pour les peuples, d’enthousiasme pour l’armée, de délivrance pour le royaume. Cette opinion n’a rien que de vraisemblable, et la politique d’une pareille foi n’en exclut pas la sincérité dans un siècle où les cours et les camps partageaient toutes les croyances du peuple. Les préparatifs pour le voyage et pour la réception de Jeanne à la cour, et les respects du Dauphin et de la reine Yolande pour elle à son arrivée, montrèrent assez qu’on attendait le prodige et qu’on désirait le faire éclater.

Les habitants de Vaucouleurs achetèrent à Jeanne un cheval du prix de seize francs, et des habits d’homme de