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JEANNE D’ARC.

terai bien de bon cœur, dit-elle, pourvu que monseigneur l’évêque de Beauvais, ici présent, consente à m’entendre en confession. » Elle ne croyait pas, sans doute, pouvoir mieux convaincre le juge de la sincérité et de l’orthodoxie de sa foi, qu’en ouvrant son âme au prêtre. La cour, la longue captivité, l’amour de la vie à un âge si tendre, inspiraient à la jeune fille l’habileté ingénue et la prudence instinctive de sa situation.

On la ramena, chancelante sous ses fers, dans son cachot.

Le jour suivant, on lui demanda de jurer de dire la vérité sur toute chose dont elle serait requise. Elle réserva les choses qui ne lui appartenaient pas à elle seule, mais à Dieu et au roi. « Je dirai sur les unes toute la vérité, répondit-elle ; sur les autres, non. »

On ne put réprimander cette sagesse, et on poursuivit : Vous a-t-on appris un métier ? lui dit-on. — Oui, répondit-elle : ma mère m’a appris à coudre aussi merveilleusement qu’une femme de la ville. »

Elle avoua qu’elle avait une fois quitté furtivement la maison de sa mère, mais que c’était par crainte des bandes de Bourguignons errants dans la contrée ; qu’une femme, nommée la Rousse, l’avait menée au village de Neufchâtel ; qu’elle avait habité quelques jours a peine dans cette famille ; que pendant ce temps elle faisait le petit trafic de domestique ou le ménage de cette maison, mais qu’elle n’allait point aux champs ni aux bois garder les brebis ou autres bêtes.

Elle avoua que, dès l’âge de treize ans, elle avait entendu des voix et avait été éblouie par des lumières dans le jardin de sa mère, du côté de l’église ; que ces voix ne lui avaient donné que de sages conseils ; qu’elles lui avaient ordonné obstinément de venir en France et de faire lever le siége d’Orléans ; qu’elle avait résisté ; mais qu’après