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JEANNE D’ARC.

L’évêque de Beauvais, comme pour obtenir une suprême justification de son jugement par quelque accusation de la mourante contre elle-même, à l’approche des flammes s’approcha encore du bûcher.

« Évêque, évêque, lui répéta seulement la pauvre fille, comme si cette voix fût déjà venue d’un autre monde, je meurs par vous ! »

Puis, regardant à travers ses larmes cette multitude avide du supplice de sa libératrice : « O Rouen, dit-elle, j’ai peur que tu n’expies un jour ma mort ! » Ensuite elle pria à voix basse.

Un grand silence avait succédé au tumulte d’une foule agitée. On eût dit que cette mer d’hommes se taisait, pour entendre le dernier soupir d’une vie qui allait s’exhaler. Un cri d’horreur et de douleur sortit du bûcher. C’était la flamme qui montait au vent, et qui s’attachait aux vêtements et aux cheveux de la victime. « De l’eau ! de l’eau ! » cria-t-elle, cria-t-elle, par un dernier instinct de la nature. Puis, entourée comme d’un vêtement par les flammes qui tourbillonnaient autour d’elle, elle ne proféra plus que quelques balbutiements confus et entrecoupés, entendus d’en bas par le confesseur et par Isambart, à travers le pétillement du bûcher. Elle laissa tomber enfin sa tête entourée de flammes sur sa poitrine, et dit, d’une voix expirante : « Jésus ! »

On n’entendit plus sa voix, et on ne retrouva qu’un peu de cendre. Winchester fit balayer cette cendre du bûcher à la Seine, pour qu’il ne restât rien sur la terre de France de l’esprit et du bras de cette fille des champs, qui la disputaient à la servitude.

Il se trompa : Jeanne d’Arc était morte, mais la France était sauvée !

Telle fut la vie de Jeanne d’Arc, l’inspirée, l’héroïne et la sainte du patriotisme français ; gloire, salut et honte de