Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 35.djvu/205

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
204
CHRISTOPHE COLOMB.

étaient, à cette époque, les hôtelleries des voyageurs pédestres à qui la misère interdisait d’aborder d’autres asiles. Ce groupe des deux étrangers attira l’attention des moines.

L’un était un homme a peine parvenu au milieu de la vie, grand de taille, robuste de formes, majestueux de pose, noble de front, ouvert de physionomie, pensif de regard, gracieux et doux de lèvres. Ses cheveux, d’un blond légèrement brun dans sa première jeunesse, se teignaient prématurément sur les tempes de ces mèches blanches que hâtent le malheur et le travail d’esprit. Son front était élevé ; son teint, primitivement coloré, était pâli par l’étude, et bronzé par le soleil et la mer. Le son de sa voix était mâle, sonore et pénétrant comme l’accent d’un homme habitué à proférer des pensées profondes. Rien de léger ou d’irréfléchi ne se révélait dans ses gestes ; tout était grave et symétrique dans ses moindres mouvements ; il semblait se respecter modestement lui-même, ou n’agir qu’avec la réserve d’un homme pieux dans un temple, comme s’il eût été en présence de Dieu.

L’autre était un enfant de huit à dix ans. Ses traits, plus féminins, mais déjà mûris par les fatigues de la vie, avaient une telle ressemblance avec ceux du premier étranger, qu’il était impossible de ne pas reconnaître en lui ou un fils ou un frère de l’homme mûr.

Ces deux étrangers étaient Christophe Colomb et Diego, son fils. Les moines, curieux et attendris a l’aspect de cette noblesse de visage du père et de cette grâce de l’enfant, qui contrastaient avec l’indigence de leur équipage, les firent entrer dans l’intérieur du monastère pour leur offrir l’ombre, le pain et le repos dus aux pèlerins. Pendant que Colomb et son enfant se rafraîchissaient et se fortifiaient de l’eau, du pain et des olives de la table des hôtes, les moines allèrent informer le prieur de l’arrivée des deux voyageurs, et de l’intérêt étrange qui s’attachait à leur